A PROPOS DE LA RUPTURE CONVENTIONNELLE (1ère partie)

poignée-de-main

poignée-de-mainA l’instar de la conclusion d’un contrat de travail, prévoyant l’embauche d’un salarié, la rupture conventionnelle, encadrant son départ, repose sur l’accord de l’employeur et du salarié.

En accord avec les origines civilistes du Droit du travail, il est indispensable que les parties aient librement (donc en connaissance de cause) consenti à cette rupture, tant quant à son principe qu’à ses effets.Par la loi du 25 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail », le législateur donc a entendu instaurer une procédure destinée à garantir cette liberté, en assurant au mieux l’information des protagonistes.

Cette liberté trouve néanmoins plusieurs limites, à commencer par la nature du contrat rompu : rappelons que le Législateur n’a entendu autoriser ce mode de rupture qu’en matière de CDI. En effet, il est impossible de convenir d’une rupture conventionnelle dans le cadre d’un CDD. Ainsi, s’il est possible de mettre un terme anticipé à une embauche à durée déterminée, d’un commun accord, et au salarié de prétendre aux allocations chômage, celui-ci ne pourra pas exiger d’indemnité de rupture, hormis l’indemnité de précarité.

 La procédure, garantie des libertés ?

 Afin de limiter le risque d’annulation des ruptures conventionnelles, le Législateur inscrit ce dispositif dans une procédure s’imposant aux parties. L’objectif est ici de d’offrir une opportunité d’échange et un temps de réflexion aux parties.

–       l’entretien

Qu’elle intervienne à l’initiative du salarié ou de l’employeur, les parties doivent convenir de la rupture au cours d’un ou plusieurs entretiens (L1237-13). Lors de ceux-ci, le salarié peut se faire assister dans les mêmes conditions que lors d’un entretien préalable à un éventuel licenciement.

La Loi offre par ailleurs cette même possibilité à l’employeur, à la condition que le salarié ait effectivement exercé cette prérogative.

–       la signature

 Au terme du/des entretien(s), la convention sera signée entre les parties. Toujours soucieuse de faciliter la formalisation de l’accord intervenu, l’Administration à établi un formulaire Cerfa (n°14598*01 et 14599*01). Bien que la Loi ne le précise pas expressément mais pour des raisons évidentes de preuve, chaque partie doit disposer d’un exemplaire signé de cette convention (original ou copie).

 –       le délai de rétractation

A compter du lendemain de la signature, chacune des parties dispose d’un délai de rétractation d’une durée de 15 jours calendaires. Ce droit doit nécessairement être exercé par un écrit dont il est possible de déterminer la date de réception (L1237-13).

 –       l’homologation

 A l’issue du délai de rétractation, l’une ou l’autre des parties adresse un exemplaire de la convention à la DIRECCTE. Pour faciliter la computation des délais, outre démontrer l’effectivité de la demande d’homologation, il peut s’avérer préférable d’adresser celle-ci en LRAR. L’Administration dispose ensuite d’un délai de 15 jours ouvrables à compter de la réception de la demande pour homologuer l’accord intervenu, le silence de l’Autorité valant acceptation. Pendant ce délai, la DIRECCTE va principalement s’assurer que le délai minimal de rétractation a été respecté, ou encore que l’indemnité spécifique de rupture obligatoire n’est pas inférieure au minimum légal.

Il convient de préciser que le taux d’homologation des ruptures conventionnelles est particulièrement élevé (95% en 2012 – www.travail-emploi.gouv.fr ). L’une des causes du faible taux d’invalidation pourrait résulter de la difficulté existant pour l’Administration d’étendre son contrôle à la validité du consentement des parties.

 Une convention sous liberté surveillée

Témoignant tant de la complexité du droit du travail que des difficultés liées à l’application concrète d’une Loi, l’Administration et des Juridictions se sont vues contraintes de venir étoffer ce dispositif, en conciliant le principe de liberté contractuelle avec les exigences d’Ordre Public.

Dans un premier temps, le Ministère du travail a entendu préserver les effets du statut de certains salariés « fragilisés ». Ainsi, une circulaire de 2009 (n°2009-4) a précisé que ne pouvait être conclue de rupture conventionnelle avec les salariés se trouvant en congé maternité ou en arrêt maladie consécutif à un accident de travail ou une maladie professionnelle.

Dans un second temps, la jurisprudence a confirmé ces interdictions et semblé étendre le périmètre de ce statut protecteur aux salariés en arrêt maladie d’origine non professionnelle (CA Amiens, 11/01/2012).

Ainsi, l’objectif poursuivi par ces institutions paraissait double : garantir l’application de statuts protecteurs spécifiques (congés maternité, arrêts d’origine professionnelle…) et préserver l’autonomie des parties. En toute cohérence avec cette ligne directrice, il a ainsi été considéré qu’une rupture conventionnelle signée dans un contexte de harcèlement moral était passible d’annulation, le consentement du salarié étant susceptible d’être vicié (Cass. Soc. 30/01/2013) De même, à moins de démontrer que l’une des parties n’avait pas consenti librement et sans équivoque à la mise en œuvre de la rupture conventionnelle, cette dernière peut tout à fait intervenir en présence d’un litige existant entre l’employeur et le salarié (Cass Soc. 23/05/2013).

Néanmoins, la Jurisprudence semble aujourd’hui consacrer le libre consentement des parties, ce dernier constituant désormais l’unique condition de validité de la rupture conventionnelle.

Après avoir considéré que ce mode de rupture était susceptible d’être valablement conclue, y compris lorsqu’un différend existe entre les parties (Cass. Soc. 23 mai 2013, n°13-865) la Cour de cassation en a rappelé l’autonomie, en le dissociant significativement des modes de ruptures unilatéraux du contrat de travail. En effet, elle considère que la rupture peut être convenue y compris en période de suspension du contrat de travail pendant un arrêt pour accident de travail (Cass. Soc. 30 septembre 2014, n°13-16297).

Désormais, en accord avec les principes civilistes, la seule limite à ce contrat semble résider dans l’absence de consentement libre et éclairé des parties…

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